Mettre en place des ateliers de recherche et de co création/conception à distance
Dans ce premier épisode d’un poil d’UX, Clement Reynard (CR) accueille Thomas Zysman (TZ), UX/UI Designer chez La grande Ourse pour échanger sur l’un des vecteurs clés d’une démarche UX réussie : les ateliers UX.
Pendant 30 minutes de partage Thomas vous explique comment il a mis en place ses ateliers d’analyse, de recherche et de co conception à distance.
CR : Bonjour à tous et à toutes et bienvenue dans ce tout premier épisode d’Un poil d’UX, en direct de l’agence la Grande Ourse. Aujourd’hui nous accueillons Thomas Zysman, UX/UI Designer à La grande Ourse qui a mis en place tout un écosystème d’ateliers à distance. Nous allons donc découvrir ensemble comment Thomas a mis en place ces ateliers d’analyse de recherche, de co-conception et d’idéation à distance.
CR : Bonjour Thomas
TZ : Bonjour Clément, bonjour tout le monde !
CR : Merci de te joindre à nous pour ce nouvel épisode de notre podcast et d’avoir accepté de partager tes expériences !
Alors, avant-tout Thomas pourrais-tu te présenter en quelques mots ?
TZ : Alors, je suis Thomas Zysman, j’exerce le métier d’UX/UI Designer depuis maintenant plus de 3 ans. Pour faire court sur mes études, après une première formation en communication, je me suis dirigé vers le digital avec un Master en UX management et Design Thinking. Au niveau de mon parcours professionnel, je suis passé par quelques agences digitales, au sein desquelles j’ai pu mettre à profit mon travail en UX pour des entreprises clientes, notamment chez Babel, avant de rejoindre La grande Ourse et de travailler sur de la recherche utilisateur, des ateliers et de l’UX design.
CR : Et c’est en effet très cool de t’avoir avec nous sur tous ces sujets !Comme on le disait en intro, aujourd’hui on va parler d’ateliers que l’on peut faire dans un projet UX, tout ce qui concerne la co-conception, l’idéation, l’analyse de recherche etc…
Peux-tu nous en dire un peu plus sur ces ateliers, à quoi ils servent et quelques exemples ?
TZ : L’aspect psychologique est très important en UX. Et en tant que designer, nous devons comprendre à la fois les problèmes mais aussi être en mesure de les résoudre. Faire simple c’est toujours compliqué alors on peut faciliter les choses en mettant en place ces fameux ateliers. Que cela soit des ateliers de recherches utilisateurs ou encore de co-conception ou d’idéation, ces ateliers prennent une place importante et sont primordiaux dans les phases de l’UX.
On retrouve notamment des ateliers comme la constitution des persona, des empathy ou experience map, des crazy 8 ou 6 to 1. Ces ateliers permettent de générer des idées et aboutir à des versions cibles. On peut retrouver également l’atelier de Service Blueprint permettant de mapper un service entier, comme des parcours utilisateurs mais aussi tous les processus internes inhérents à ce service.
Le but, durant ces ateliers, est de collaborer avec les utilisateurs. Cette symbiose implique à la fois le designer et le participant, qu’il s’agisse d’un utilisateur ou d’un membre du projet. Mais ceci est un peu plus compliqué avec les conditions actuelles…
CR : C’est sûr, la crise actuelle a un fort impact sur nos manières de travailler…
Quelles sont les adaptations à faire en termes d’organisation selon toi, entre les ateliers en physique et les ateliers à distance ?
TZ : Qui dit ateliers en présentiel, dit salle mais aussi être aux petits soins pour les participants que l’on accueille. Il faut prévoir un bataillon de stylos, de crayons et de post-it en plus des petits gâteaux !
Le fait d’effectuer ces ateliers en présentiel permet de mener et de garder le contrôle sur l’animation de ceux-ci. Avec la situation sanitaire, il a fallu s’adapter et réfléchir à une nouvelle manière de penser ces ateliers pour qu’ils restent à la fois efficaces mais aussi suffisamment intuitifs pour garder le contrôle sur ces derniers.
Et qui dit nouveauté, dit ne pas se laisser submerger par les problématiques techniques possibles dû aux tâches à distance (prise en main d’un outil, accompagnement moindre, etc).
CR : Et alors justement, comment tu as pu adapter ces ateliers pour les mener de bout en bout sans encombre? Je pense que beaucoup de designers seraient intéressés par tes tips sur le sujet.
TZ : Effectivement, auparavant lorsque l’on parlait d’ateliers, comme je l’ai dit précédemment nous avions besoin de réunir les participants dans une salle avec des post-it, des collations et des dizaines de cerveaux en ébullition. Maintenant, il faut remplacer la salle par une room virtuelle derrière un écran d’ordinateur tout en gardant les éléments utiles et inhérents aux ateliers. Alors oui, c’est comme tout, il y a forcément des points sur lesquels il faut être bien attentif.
Parce que lorsque l’on pense ateliers à distance, il faut avoir en tête plusieurs critères. Avant tout, pour remplacer cette fameuse salle où les parties prenantes se rencontrent, il faut recréer une salle virtuelle. Il existe de nombreux outils sur le marché qui sont à notre disposition. Je peux citer Mural ou encore Miro qui peuvent être couplés par un meeting sur Zoom. Ces outils sont d’une efficacité redoutable et surtout très intuitifs.
CR : En effet, il y a des choses plutôt puissantes à faire en mixant différents outils
TZ : C’est ça, ils disposent de tout ce dont il faut pour créer et gérer les ateliers. Des post-it de couleurs, au minuteur pour cadrer les différentes phases, en passant par des modes de “vue discrète” ou encore la possibilité de verrouiller et de masquer des éléments. En fait, avec tout ça, il ne reste plus qu’à se concentrer sur l’atelier.
Question choix, je ne vais pas te dire si Mural est mieux que Miro ou l’inverse car cela dépend de chaque personne et de chaque sujet. Il faut les essayer, pour les comprendre et les prendre en main, c’est le meilleur conseil. Pour ma part, j’ai décidé d’utiliser Mural car même si pour moi l’interface de Miro peut sembler plus claire et plus moderne, j’ai y trouvé une utilisabilité plus simple pour les participants. J’ai tout simplement pensé plus “ateliers”, plus user centric que “création de templates”. Mais comme je t’ai dit ce n’est qu’un avis personnel.
CR : Et côté préparation… C’est plus long de préparer un atelier à distance qu’en présentiel ?
TZ : La préparation est forcément différente. Évidemment avant de faciliter un atelier, il faut, en amont, bien le préparer. La clé pour réussir un atelier à distance est d’une part d’avoir un bon outil (mural / miro…), une bonne connexion internet du côté du facilitateur mais aussi du côté des participants (la fibre serait un plus) mais surtout avoir de bons templates.
CR : Qu’est-ce que tu veux dire par là ? Un bon template ? Tu utilises des templates existants ou tu as décidé d’aller plus loin ?
TZ : Et bien, j’ai décidé de partir de zéro ou du moins de partir des templates papier que l’on peut donner en atelier physique, mais en allant plus loin dans la réflexion. Le fait étant qu’il faut penser “out of the box” !
Pour bien concevoir ces templates, durant cette phase pré-atelier, avant le jour J, comme on pourrait le dire, il faut penser comme l’utilisateur/ l’utilisatrice, comme la/le futur participant qui va être seul derrière son écran. En effet, en plus de lui demander de participer, on lui demande de se familiariser avec un nouvel outil qu’il ne connaît pas. Il faut donc lui faciliter la tâche au maximum pour que son attention, son énergie et sa créativité soient au rendez-vous et bien sûr qu’il soit concentré sur l’atelier lui-même !
Afin d’éviter toute perte de temps, il faut que le template soit le plus pédagogique possible.
J’ai moi-même conçu avec l’aide des leads UX chez La grande Ourse, une dizaine de frameworks sur l’outil Mural.
CR : Ha c’est intéressant le mot que tu viens d’employer “Framework”, tu m’en dis un peu plus sur ce que tu entends par “Framework” ?
TZ : En gros, les templates une fois remplis sont le résultat de l’atelier, mais je me suis dit qu’à distance ce n’est pas si simple de travailler directement sur un template ou sur une base de livrable.
Le truc, c’est que dans chaque atelier, il y a des sous-parties et donc chaque sous-partie doit être animée différemment. Bien sûr, il y a une finalité commune pour l’atelier mais les sous-parties ont des finalités individuelles différentes et elles ne font pas appel aux mêmes outils pour les participants. Donc dans ma vision, le Framework c’est un ensemble. C’est l’ensemble de ces sous-parties d’ateliers, des outils utilisés, des règles etc…
CR : Ha oui ok, en gros tu as créer de nouveaux supports pour chaque sous partie d’atelier, qui permettent à la fin de remplir le template servant de livrable ! Intéressant.
Tu as des tips à nous partager pour pouvoir mettre en place ces frameworks ou des templates ?
TZ : Yes, je vais donner des tips généraux pour désigner de bons frameworks ou templates collaboratifs :
- Comme pour designer une interface, il faut avoir de l’empathie. Mettez-vous dans la même condition que pour créer une interface où en réalité vos utilisateurs sont, cette fois-ci, “des participants d’atelier”. Il faut donc comprendre leur démarches, leurs inquiétudes mais aussi leurs habitudes… en somme c’est une démarche UX où l’objectif est de créer une interface de facilitation.
CR : Une sorte de mise en abyme de l’UX ou de la méta-UX
TZ : c’est ça !
- Second conseil : Scinder votre template avec une phase d’introduction et de conclusion pour faciliter l’amorçage de l’atelier et expliciter son but. Faites cela à l’oral, comme à l’écrit dans le template.
- Également, pensez à l’atelier digital comme un atelier physique en mettant des piles de post-it virtuels à disposition, avec des indications sur comment les utiliser. Les participants n’ont plus qu’à faire du drag and drop directement sur le template. C’est rapide à faire, cela permet de gagner du temps et cela évite d’ouvrir les menus de l’outil. Vous pouvez aussi, par exemple, associer une couleur de post-it par personne.
- Comme autour d’une table, prévoyez des espaces de travail dédiés pour chaque participant. Pour palier au manque d’attention, que l’on peut apporter avec des collations, vous pouvez personnaliser ces zones de travail en y ajoutant les noms des participants avec par exemple, le rappel de certaines consignes ou des tips. Ce qui permet au participant de pouvoir les relire à sa guise sans pour autant interrompre le déroulement de l’atelier. Une sorte de mémo.
- N’hésitez surtout pas à prendre tout l’espace que le plan de travail peut vous donner. Cela dépend des ateliers mais certains peuvent à la fin être un véritable champ de mots, de post-it sans dessus dessous. D’où l’importance d’organiser en grandes zones votre template.
CR : En effet, en réel, dans une salle c’est simple de prendre plus d’espace à tout moment, mais sur un outil en ligne, il vaut mieux le prévoir dès le début que de devoir refaire ses templates en cours d’atelier…
TZ : Yes, mieux vaut être prévoyant.
- Evidemment, je ne vais pas insister sur le fait de relire pour les fautes et les coquilles, cela va de soit, certaines participants ne vous rateront pas (petit rire :P)
CR : C’est clair on a tous été dans ce cas au moins une fois de se sentir bête quand un participant ou utilisateur nous a mis le nez sur une faute d’orthographe…
TZ : Oui sur une maquette ça se corrige vite, mais sur un atelier en ligne, tout le monde t’a grillé !
- Et enfin, dernier conseil, cela peut paraître bête mais il faut vraiment tester les templates et frameworks en interne ou avec des proches “non initiés” avant le jour J histoire de s’assurer que tout est compréhensible et que les différentes parties du framework s’enchaînent bien.
CR : Ca aussi ça fait écho à nos méthodes de travail, tester ! Un dernier petit conseil
TZ : Ah oui et dernier petit tips. Un template reste un template. Donc ne pas oublier de le personnaliser selon la typologie du sujet et de le dupliquer pour garder l’original bien au chaud.
CR : En effet ! Beh écoute, tu nous as donné pas mal de conseils là ! Mais globalement, combien de temps tu mets pour préparer tout un atelier, tout le framework avec les templates, les outils etc. ?
TZ : Alors, ça dépend bien évidemment de l’atelier dont il est question. Si on prend l’exemple de l’atelier de persona, il faut compter environ 2 à 3 jours pour tout mettre en place. Le framework reprend toutes les zones d’une fiche persona et pour chaque zone les participants peuvent brainstormer puis venir la remplir avec les outils mis à disposition. Par exemple, j’ai mis à disposition, dans une zone dédiée, toutes les photos de tous les types de persona possibles. Ce petit plus, va permettre de gagner du temps, au lieu d’aller chercher une photo ailleurs comme sur Google par exemple.
Ou encore, j’ai mis à leur disposition des petites illustrations des devices utilisées, ça donne aussi un côté plus friendly. Les participants ont tout à disposition. Comme un couteau Suisse.
CR : Oui c’est du temps qui est bien investi, car finalement ça tu le prépares une fois, et puis après c’est des petites adaptations par rapport au nombre de participants et au sujet.
TZ : Totalement. Et puis il y a aussi le template du livrable de l’atelier qui est fait durant ces 2-3 jours, également sur Mural pour simplifier le workflow.
Car oui, un conseil, essayez de penser à l’après, la phase de post-atelier. Par exemple, sur le template de restitution de l’expérience map, j’ai y placé directement les 3 émotions pour gagner du temps. Il suffit juste d’enlever les 2 qui ne correspondent pas à l’étape en question. Ce cas concret, vous permet de vous montrer l’importance du processus de simplification pour rentabiliser votre temps.
CR : Tu n’es vraiment pas avare en conseils, c’est top ça, je suis sur que ça va inspirer beaucoup de personnes !
Mais je suis encore un peu curieux, je me pose une question : il y a des ateliers qui demandent aux participants de construire des interfaces voire de dessiner, comme par exemple une User journey map. Déjà qu’en présentiel avec une feuille et des crayons ou feutres ce n’est pas toujours simple, alors à distance avec une souris d’ordinateur….
TZ : Oui en effet, c’est un très bon point ! C’est effectivement le cas sur le template pour un atelier de User Journey, que j’aborde souvent sous la forme de storyboard où chaque participant dessine le parcours utilisateur dans des cases étape par étape. Et bien, comme pour tout, il a fallu s’adapter. Et pour pallier ce problème, évidemment sans prendre votre trackpad pour feuille de papier et votre doigt pour stylo, j’ai dû agrémenter le template de plusieurs catégories de dessins pré-dessinés. Par exemple, une catégorie des gestes et interactions qu’un utilisateur peut effectuer ou encore des petits stickmans avec des positions différentes ou différentes listes d’objets.
Les participants n’ont plus cas copié/collé les dessins dans les cases correspondantes.
CR : En effet c’est malin ! On se rend vraiment compte que chaque atelier a vraiment sa “toolbox” en fait, il y a quelques outils communs, le texte, les post-its, mais après il faut vraiment réfléchir autrement pour certains ateliers qui demandent plus de préparation.
Pour finir cette discussion vraiment enrichissante, au début de ce podcast tu parlais des outils comme Mural ou Miro pour la partie collaborative de l’atelier. Mais ces outils ont des interfaces que les participants ne maîtrisent pas en général. Du coup, comment procèdes-tu pour introduire l’interface de l’outil ? Tu leur fais un onboarding ?
TZ : C’est vrai que la plupart des participants n’ont jamais utilisé des outils comme Mural et Miro, et même des fois des outils d’appels visio. Donc avant de commencer à parler et pour ne pas parler dans le vide, je vérifie que tous les participants soient connectés, sans problème technique et à l’écoute. Ensuite, je peux utiliser n’importe quel type de IceBreaker pour détendre l’atmosphère. Libre à vous de dire le pitch que vous aviez initialement prévu.
Concernant l’interface de l’outil collaboratif, je prévois toujours du temps pour expliquer aux participants comment fonctionne cette dernière. Dans tous les cas, je suis toujours présent au fur et mesure de l’atelier pour aider et répondre aux questions. Vous avez également le système de verrouillage des éléments qui est une grande aide pour éviter les possibles erreurs de clics et pour être sûr que le template ne se casse pas sur une action d’un utilisateur.
CR : Oui si on peut éviter de devoir refaire le template en live… c’est mieux !
Pour conclure Thomas, si tu devais donner un dernier conseil à tous ceux qui nous écoutent et qui souhaitent dématérialiser les ateliers de recherche …
TZ : Je donnerais un dernier conseil, je l’ai lu dans l’autobiographie de Phil Knight, le fondateur de Nike. C’est : Ne dites jamais aux gens comment faire les choses. “Dites-leur ce qu’il faut faire, et ils vous surprendront par leur ingéniosité”. Ce conseil vaut à la fois pour les ateliers physiques comme digital et même pour vous dans votre quotidien.
CR : En effet, je partage aussi ce point de vue ! On va se quitter sur ces bonnes paroles, Merci Thomas d’avoir accepté notre invitation et d’avoir partager ton retour d’expérience sur ce sujet.
TZ : Merci à toi pour m’avoir reçu ! Il y a vraiment plein de choses à faire sur le sujet !