L’UX ne suffit plus, c’est l’ère du design system
28/07/2025

L’UX ne suffit plus, c’est l’ère du design system

L’UX a longtemps occupé une place centrale dans la conception numérique. Elle visait des interfaces fluides, compréhensibles, centrées sur les besoins réels des utilisateurs. Mais aujourd’hui, cette approche atteint ses limites.

À mesure que les produits gagnent en complexité et que les équipes s’étendent, un nouveau besoin émerge; garantir la cohérence, la rapidité d’exécution et la collaboration entre métiers. C’est dans ce contexte que le design system s’impose. Il structure, uniformise, organise. Il offre un socle partagé entre designers et développeurs, pensé pour la réutilisabilité, la scalabilité et l’efficacité.

Alors que l’UX mettait l’humain au centre, le design system replace le cadre, la méthode et la logique de production au premier plan.

Une expérience utilisateur en perte de sens ?

Pendant une décennie, l’UX a été le mot d’ordre des équipes produit. À chaque lancement d’application ou refonte de site, il s’agissait d’« améliorer l’expérience utilisateur ». Cette expression, largement reprise, a peu à peu perdu de sa substance. Derrière elle, une promesse; rendre les interfaces plus simples, plus accessibles, plus humaines. Mais cette promesse s’est heurtée à des contraintes croissantes.

L’UX, une discipline saturée ?

L’UX a connu un essor rapide, au point de devenir un prérequis. Plus personne ne conteste sa légitimité. Pourtant, cette généralisation a engendré une certaine dilution. Beaucoup de produits se ressemblent, les mêmes patterns reviennent, les mêmes recettes sont appliquées, souvent mécaniquement. Le métier d’UX designer s’est parfois réduit à optimiser des flux, sans réelle prise de recul ni espace pour l’innovation.

Ce qui devait apporter de la clarté devient souvent répétitif. On confond facilité d’usage et expérience mémorable. L’obsession des conversions et des KPIs a remplacé l’attention portée à l’émotion, au sens, à la surprise. L’UX n’est plus ce champ ouvert d’exploration ; elle devient une suite de checklists.

Des interfaces belles mais incohérentes

Dans de nombreuses organisations, chaque produit est pensé dans son coin. L’UX designer crée un parcours optimisé, le UI designer y ajoute sa touche graphique, et le développeur fait au mieux pour assembler le tout.  Il en résulte des interfaces fonctionnelles localement, mais incohérentes globalement.

D’un produit à l’autre, les comportements varient, les composants changent de style, les usages se contredisent. Pour l’utilisateur, cela crée une friction invisible mais constante. Il ne sait plus où cliquer, à quoi s’attendre. L’expérience devient moins intuitive, plus fatigante.

Et paradoxalement, plus on investit dans l’UX isolée, plus ce phénomène s’amplifie. Car sans cadre systémique, chaque initiative repart de zéro, avec sa propre vision.

L’UX face aux enjeux d’échelle

Avec la montée en puissance des plateformes, des écosystèmes produits, et des équipes multicompétences, l’UX ne peut plus fonctionner comme un silo créatif. Il ne suffit plus d’avoir une bonne idée, il faut qu’elle soit alignée, intégrable, maintenable. L’UX doit désormais dialoguer avec le back-end, la stratégie produit, les contraintes techniques.

C’est ici que la logique du design system entre en jeu. Elle propose une approche plus structurée, plus prévisible. Elle permet d’industrialiser ce qui était autrefois artisanal. Et cela change profondément la manière dont on pense l’expérience.

Le design system : au-delà de la cohérence visuelle

Le design system est souvent perçu comme un outil de rationalisation graphique. Il rassemble des composants, définit des règles de style, harmonise les couleurs, les typographies, les espacements. Mais sa portée réelle dépasse largement l’esthétique. Il redéfinit la manière dont les équipes conçoivent, collaborent et livrent des produits numériques. Ce n’est pas un guide de style enrichi, c’est une infrastructure de production.

Standardisation, scalabilité et performance

Dans un environnement numérique complexe, il devient difficile de maintenir la cohérence et la qualité à mesure que les projets se multiplient. Chaque équipe, chaque produit, chaque sprint produit de nouvelles interfaces, souvent sous pression. C’est précisément là que le design system devient une solution stratégique.

Il permet de centraliser les décisions de design et de développement. Grâce à une base commune de composants réutilisables, les équipes gagnent en vitesse, limitent les incohérences, réduisent les dettes techniques. Le design system garantit une expérience unifiée, quel que soit le canal, le produit ou l’équipe impliquée.

La performance n’est pas qu’un gain de temps, c’est aussi une assurance qualité. Moins de réinvention, moins de bugs, moins de débats subjectifs. Le produit avance plus vite, avec plus de confiance.

Le design system comme langage commun entre design et développement

Un des apports les plus puissants du design system est sa capacité à briser les silos. Il introduit un langage partagé entre designers et développeurs. Un composant n’est plus une simple maquette ou une ligne de code, c’est une unité fonctionnelle, documentée, testée, comprise par tous.

Cette convergence transforme le fonctionnement des équipes. Le développeur n’interprète plus un écran figé; il assemble des éléments standardisés, validés par le design. Le designer, de son côté, n’invente plus à chaque fois, il pense en systèmes, en relations, en usages.

Cette fluidité réduit les frictions et permet à chacun de se concentrer sur ce qui compte vraiment; la valeur pour l’utilisateur final.

Ce que le design system résout (et ce qu’il sacrifie)

Le design system résout des problèmes concrets; fragmentation, lenteur, divergence, mauvaise communication. Il impose une structure, libère du temps, renforce la fiabilité. Mais il impose aussi un cadre, parfois perçu comme rigide.

Ce qu’on gagne en cohérence, on peut le perdre en expressivité. Ce qu’on gagne en vitesse, on peut le perdre en exploration. Le risque est de voir les produits se standardiser au point de devenir interchangeables. L’émotion, l’audace, la surprise peuvent s’estomper au profit d’une uniformité rassurante.

Tout l’enjeu consiste donc à manier le design system comme un outil, pas comme une fin. À s’appuyer sur lui sans s’y enfermer.

L'UX est-il vraiment mort ?

Affirmer que l’UX est mort peut sembler provocateur. Pourtant, il s’agit moins d’une disparition que d’un changement profond. L’expérience utilisateur n’a pas cessé d’être un enjeu central. Ce qui a changé, c’est la manière dont elle est pensée, produite et portée dans les organisations. 

L’UX n’est pas une discipline isolée. Il s’inscrit dans des logiques plus larges; système, produit, plateforme, gouvernance.

Vers une UX systémique plutôt qu’émotionnelle

Pendant longtemps, l’UX a été associée à l’intuition, à l’empathie, à la recherche qualitative. Comprendre les besoins, observer les usages, formuler des hypothèses, prototyper, tester, itérer. Cette approche reste précieuse. Mais dans les environnements structurés par des design systems, elle évolue vers une UX plus stratégique, plus systémique.

Les designers ne créent plus des écrans, mais manipulent des modules, des tokens, des composants interconnectés. Leur rôle n’est plus seulement de rendre un parcours fluide, mais d’orchestrer l’expérience dans un cadre préconstruit. L’émotion n’est pas absente, mais elle se manifeste dans les détails, le micro-interaction, le ton, la fluidité, la justesse des enchaînements. On ne part plus d’une page blanche, on compose avec un langage déjà défini.

Repenser le rôle du designer dans un monde industrialisé

Face à cette évolution, le rôle du designer évolue. Il devient moins auteur, plus architecte. Il s’éloigne de la singularité pour se rapprocher de la structuration. Il travaille en collaboration étroite avec les développeurs, les product managers, les équipes accessibilité ou data. Il pense l’expérience dans sa continuité, dans sa maintenabilité, dans son efficacité collective.

Ce changement peut être vécu comme une perte de créativité, mais il ouvre aussi de nouvelles opportunités. En libérant le designer de certaines tâches répétitives, le design system lui permet de se concentrer sur les problèmes à forte valeur : usages complexes, flux critiques, moments-clés.

Trouver l’équilibre : humanité + système

Le véritable défi consiste à articuler deux logiques qui peuvent sembler opposées, l’humanité de l’expérience et la rigueur du système. Si l’on se repose exclusivement sur le design system, l’expérience peut devenir froide, impersonnelle, prévisible. Si l’on l’ignore, on retombe dans la dispersion, l’incohérence, l’inefficacité.

L’UX n’est pas mort, mais il change de nature. Il devient un travail d’assemblage intelligent, d’ajustement subtil, de narration à travers des structures partagées. L’objectif reste le même; offrir à l’utilisateur une expérience fluide, agréable, accessible, pertinente. Mais les moyens pour y parvenir ont évolué.

Mot de la fin

L’UX ne disparaît pas. Il évolue et se redéfinit dans un environnement plus structuré, plus exigeant, parfois plus froid. Le design system ne remplace pas l’expérience utilisateur, il en devient le socle, l’ossature.

Ce changement demande de nouveaux réflexes, une autre posture. Moins de liberté formelle, plus de rigueur collective. Ce n’est ni une régression, ni un progrès absolu. C’est une étape logique dans la maturation de nos pratiques.

Concevoir des produits aujourd’hui, c’est apprendre à naviguer entre cohérence et singularité, vitesse et justesse, système et intention.
Et c’est peut-être là que l’UX retrouve sa vraie place, pas dans l’exception, mais dans la qualité du quotidien.

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