09/06/2025

UX Trends 2025 : ce que révèle le rapport sur l’état du design

Depuis maintenant dix ans, Fabricio Teixeira et Caio Braga observent l’évolution de l’UX design avec un œil critique, curieux et profondément humain. Leur rapport UX Trends 2025 marque un véritable tournant. L’enthousiasme qui entourait le design centré utilisateur au tournant des années 2010 s’essouffle. L’UX n’est plus toujours le moteur de la stratégie produit, mais devient parfois un simple rouage, au service d’objectifs business ou d’outils automatisés.

 

Chez La grande Ourse, cette remise en question ne nous étonne pas. En tant qu’agence engagée dans la création d’expériences digitales utiles et sensibles, nous vivons nous aussi ce glissement : plus d’outils, plus de données, plus d’IA… mais souvent, moins de sens, moins d’empathie, moins de réflexion profonde.

Un virage culturel : quand le design devient un outil, non un moteur

Le design UX a longtemps été perçu comme une force de proposition : capable de façonner les produits, d’influencer la stratégie, et d’ancrer les décisions autour de l’utilisateur. Cette vision, qui a connu son apogée à la fin des années 2010, semble aujourd’hui s’effriter.

 

Le rapport UX Trends 2025 souligne un glissement subtil mais profond : le design n’est plus au centre de la décision, il en devient souvent un simple exécuteur. Autrefois, les designers étaient impliqués très en amont : définition du produit, exploration des usages, positionnement stratégique… Aujourd’hui, dans beaucoup d’organisations, les grandes orientations sont prises ailleurs, dans les équipes data, marketing, ou produit, et le rôle du design se résume à rendre tout cela “joli” et “fluide”.

 

Le symptôme d’un changement plus large

 

Ce recul s’inscrit dans un contexte où la rapidité, la rentabilité et la scalabilité priment. L’UX, dans cette logique, devient un moyen d’optimisation : on ajuste des interfaces pour maximiser les conversions, on segmente les parcours pour mieux tracker, on personnalise selon les données… mais on ne conçoit plus avec la même intention.

 

Cette situation crée un paradoxe; les outils n’ont jamais été aussi puissants, mais le sens du métier s’étiole. Alors que Figma, Notion, Webflow ou Canva mettent des capacités de design entre toutes les mains, la frontière entre professionnels du design et “non-designers” s’estompe. Et avec elle, la légitimité perçue des experts UX.

 

La fin d’un idéal, ou l’ouverture d’un nouveau chapitre ?

 

Faut-il y voir une défaite ? Pas forcément. Comme le soulignent les auteurs du rapport, le design a toujours évolué avec les outils, les contextes et les enjeux sociétaux. L’enjeu aujourd’hui n’est pas de regretter un âge d’or révolu, mais de comprendre ce que ce virage signifie, et comment y répondre avec lucidité.

 

Chez La grande Ourse, nous croyons que ce changement appelle une posture nouvelle : plus stratégique, plus ancrée dans le réel, mais toujours profondément humaine. Le design n’est peut-être plus le “héros” de l’innovation tech mais il peut encore en être la conscience.

La grande passation

Depuis quelque temps, un phénomène s’impose dans le monde du design. Les designers ne sont plus les seuls à créer. Leur rôle, autrefois central et souvent décisif, se dilue peu à peu. Une partie de leur savoir-faire est désormais transférée à des outils automatisés, à des algorithmes et à d’autres équipes dont les priorités ne sont pas toujours orientées vers l’expérience utilisateur.

 

Figma, Canva, Vercel… Les nouveaux “co-designers”

 

En adoptant des outils comme Figma et ses nouvelles fonctions alimentées par l’intelligence artificielle, les designers ont sans le vouloir commencé à nourrir des systèmes qui apprennent à faire leur travail. Ce n’est pas une prédiction futuriste, c’est déjà en marche. L’IA ne se limite plus à accélérer les tâches répétitives. Elle commence à proposer des solutions visuelles, à structurer des interfaces, à prendre des décisions de mise en page.

 

Dans ce contexte, il devient difficile de maintenir une frontière claire entre ce qui relève de la pensée humaine et ce qui est généré automatiquement. Les outils deviennent acteurs du processus créatif. Et cela interroge forcément la place du designer dans la chaîne de production.

 

Des systèmes de design récupérés par les équipes “growth”

 

Le rapport souligne aussi un autre glissement. Les systèmes de design, construits au départ pour garantir une cohérence visuelle et fonctionnelle, sont désormais exploités par les équipes chargées de la croissance. Le but n’est plus forcément de simplifier l’expérience, mais d’optimiser le parcours pour générer un maximum de conversions.

 

Autrement dit, on ne crée plus des interfaces pour qu’elles soient claires, mais pour qu’elles incitent à cliquer, à rester, à consommer. L’expérience devient un levier de performance avant d’être un acte de soin.

 

Laisser les données décider à notre place

 

Autre point important, de plus en plus d’entreprises privilégient les tests A/B aux études utilisateurs. Au lieu d’écouter les besoins, d’observer les usages ou de mener des entretiens, on teste plusieurs variantes d’un écran et on conserve celle qui performe le mieux.

 

Ce fonctionnement peut sembler logique à première vue. Pourtant, il peut aussi conduire à des choix contre-intuitifs, déconnectés du réel ou tout simplement froids. La nuance disparaît au profit de l’efficacité immédiate. Et les valeurs fondatrices de l’UX, comme l’empathie ou la compréhension fine des usages, risquent d’en pâtir.

 

Mais nous pensons qu’il est encore temps de reprendre la main. Les outils évoluent, c’est un fait. Mais cela ne doit pas nous empêcher de défendre une vision exigeante et responsable du design. Accepter l’IA, oui. Mais pas au point de lui abandonner notre capacité à penser, à douter, à interpréter. Car c’est là que réside toute la richesse de notre métier.

Le règne de l'inachevé

Depuis quelques années, une idée s’est imposée dans les méthodes agiles et les environnements tech. Il faudrait lancer vite, apprendre en marchant, corriger après coup. Cette philosophie, connue sous les slogans comme “fail fast” ou “test and learn”, a parfois produit des résultats intéressants. Mais elle a aussi ouvert la porte à une nouvelle norme. Celle où l’on publie avant que le produit soit prêt.

 

Des produits sortis trop tôt

 

L’année 2024 a été marquée par plusieurs fiascos dans l’univers de l’intelligence artificielle. Des produits comme le Humane AI Pin ou le Rabbit R1 ont été lancés en grande pompe, sans être réellement finalisés. Les utilisateurs ont vite découvert des fonctions absentes, des promesses non tenues, des expériences frustrantes.

 

Ce phénomène ne se limite pas aux objets connectés. Dans le monde du logiciel aussi, de nombreuses fonctionnalités “alimentées par l’IA” ont été intégrées dans des outils professionnels sans réelle valeur ajoutée. Leur présence tient parfois plus de l’effet d’annonce que d’une véritable utilité.

 

Une philosophie qui trahit les principes de l’UX

 

Ce culte du lancement rapide n’est pas neutre. Il s’éloigne des fondations de l’expérience utilisateur. Le rôle du design n’est pas de corriger après coup, mais d’anticiper, de construire avec rigueur, de tester dans un cadre méthodique. À force de chercher la vitesse à tout prix, on finit par sacrifier la qualité.

 

Pire encore, cette logique peut dégrader la relation entre les marques et leurs utilisateurs. Chaque promesse non tenue entame la confiance. Chaque fonction bâclée laisse une impression d’amateurisme. Et à long terme, cela nuit à la crédibilité du produit autant qu’à celle de l’équipe qui l’a conçu.

 

Ralentir pour mieux concevoir

 

Nous croyons au pouvoir du rythme juste. Concevoir une expérience, c’est prendre le temps d’écouter, de comprendre, d’itérer avec soin. Il ne s’agit pas de ralentir pour ralentir, mais de retrouver un équilibre. La vitesse n’est pas une fin en soi. Ce qui compte, c’est de livrer des produits cohérents, utiles et respectueux de ceux qui les utilisent.

 

L’urgence permanente ne doit pas devenir une excuse. Le bon design demande du temps, de la clarté et de la responsabilité. C’est aussi cela que nous défendons à travers notre approche.

Quand la politique interne étouffe le design

En 2025, le quotidien de nombreux designers ne tourne plus uniquement autour des maquettes, des parcours ou des tests utilisateurs. Une grande partie de leur énergie est absorbée par des réunions, des discussions d’alignement, des jeux d’équilibre entre les objectifs business et les attentes internes. Le design, dans bien des cas, devient un terrain de négociation, plus qu’un espace de création.

 

Des décisions dictées par les dynamiques internes

 

Dans de nombreuses entreprises, les décisions autour des produits ne sont plus motivées par les besoins des utilisateurs. Elles le sont par des impératifs de carrière, des évaluations de performance, ou des enjeux politiques. Un produit doit sortir parce qu’un manager a besoin d’un projet visible. Une fonctionnalité est validée car elle s’inscrit bien dans le planning de reporting trimestriel. On ne conçoit plus pour résoudre un vrai problème, mais pour cocher une case.

 

Ce type de fonctionnement épuise les équipes et dégrade la qualité du travail. Il crée un climat où la survie professionnelle passe avant l’ambition créative. Et surtout, il éloigne le design de sa mission première.

 

Un climat d’insécurité permanent

 

L’année 2024 a vu une succession de vagues de licenciements dans les métiers du design, du produit et de la tech en général. Ce contexte installe une tension silencieuse. Beaucoup de professionnels passent plus de temps à protéger leur poste qu’à défendre la qualité de leur travail. Le risque est grand de se replier sur soi, de perdre confiance, de ne plus oser proposer.

 

Ce climat d’incertitude nourrit aussi un besoin de validation externe. Certains cherchent la reconnaissance qu’ils ne trouvent plus en interne en multipliant les interventions en ligne, en postant des analyses sur LinkedIn, parfois au détriment de la nuance.

 

Redonner du sens à l’interne

 

Nous pensons que la qualité du design commence par la qualité de l’environnement de travail. Pour créer des expériences utiles et durables, il faut des conditions propices à la réflexion, à l’écoute et à la sérénité. Le design ne peut pas s’épanouir dans un climat de tension constante.

 

Revaloriser le métier passe aussi par là. Il faut redonner au design une place légitime dans les décisions, non pas comme simple exécutant, mais comme partenaire stratégique. C’est en recréant de l’espace pour le dialogue, l’expérimentation et la confiance que le design peut retrouver sa pleine puissance.

Quand les réseaux sociaux remplacent la reconnaissance au travail

À mesure que le design perd de sa centralité dans certaines organisations, les designers cherchent ailleurs ce qu’ils ne trouvent plus en interne. En 2025, cette recherche de reconnaissance passe de plus en plus par les réseaux sociaux, et surtout par LinkedIn. Ce qui n’était qu’un outil de visibilité devient parfois un refuge, voire un exutoire.

 

Une scène publique pour compenser le vide privé

 

Dans un contexte où les projets ne donnent plus toujours lieu à une valorisation en interne, les designers se tournent vers l’extérieur. Ils partagent des réflexions, racontent des anecdotes, mettent en scène leur quotidien. Cette pratique peut être saine, elle permet de créer du lien, de documenter son parcours, de faire émerger des idées.

 

Mais elle s’accompagne aussi d’effets secondaires. Pour exister dans le flux, il faut être visible. Pour être visible, il faut frapper fort. Le contenu devient plus tranché, plus émotionnel, plus polarisé. La nuance s’efface. Les formats longs disparaissent au profit de posts courts, percutants, calibrés pour l’algorithme.

 

L’influence de l’algorithme sur la pensée

 

Les publications qui marchent le mieux sont celles qui provoquent, qui opposent, qui généralisent. Cela pousse les professionnels à simplifier leurs positions, à amplifier leurs prises de parole, parfois même à surjouer leur expertise. Le débat devient un spectacle. Et le fond se perd dans la forme.

 

Le risque, c’est de confondre visibilité et reconnaissance. Un post viral ne remplace pas un feedback de qualité. Un commentaire flatteur ne remplace pas un échange sincère avec une équipe. Et surtout, cette dynamique peut renforcer un sentiment d’isolement plutôt que le combler.

 

Retrouver des espaces pour le dialogue

 

Nous croyons à la force des échanges authentiques, qu’ils soient en ligne ou en présentiel. Les réseaux sociaux ont leur rôle à jouer, bien sûr. Mais ils ne doivent pas devenir le seul miroir de notre travail. Le design a besoin de contextes propices à la nuance, à la réflexion, à la confrontation bienveillante.

 

Favoriser des discussions de fond, valoriser les retours d’expérience, créer des espaces pour débattre sans chercher à performer… voilà des pistes pour remettre le dialogue au cœur de la pratique. Car le design n’est pas une vitrine. C’est une conversation.

Quand les grands événements disparaissent au profit des marques

Pendant longtemps, les conférences et événements UX ont joué un rôle essentiel dans la structuration de la communauté. Ils permettaient aux designers de se rencontrer, d’échanger, de se former, de partager des idées au-delà des frontières d’entreprise. En 2025, ce modèle s’essouffle. Et ce n’est pas sans conséquence.

 

La fin d’une dynamique collective

 

Certaines initiatives historiques, comme les conférences de l’IxDA, ont mis la clé sous la porte. Faute de modèle économique viable, d’équipes disponibles ou d’un public fidèle, ces rassemblements indépendants ne tiennent plus face à la montée en puissance des événements portés par les géants du secteur.

 

Aujourd’hui, les rendez-vous les plus visibles sont ceux organisés par des marques comme Figma ou Adobe. Ces conférences attirent des milliers de participants et disposent de moyens impressionnants. Mais elles posent une question de fond. Qui contrôle le récit du design aujourd’hui ?

 

Quand les marques dictent l’agenda

 

Les grandes conférences financées par les éditeurs de logiciels ou les plateformes imposent leurs thématiques, leurs invités, leurs priorités. Ce sont leurs outils, leurs visions, leurs cas d’usage qui occupent l’espace. Difficile, dans ce cadre, d’explorer des sujets moins vendeurs mais tout aussi cruciaux, comme l’éthique, la sobriété numérique ou la diversité.

 

Ce n’est pas un mal en soi. Ces événements sont souvent bien organisés, inspirants, et à la pointe de l’innovation. Mais ils ne peuvent pas remplacer la pluralité des voix, ni refléter toute la richesse du métier. Un écosystème sain a besoin de diversité dans les formats, les idées, les interlocuteurs.

 

Réinventer la communauté design

 

Nous pensons que le design doit rester un espace de réflexion libre et critique. Il est essentiel de maintenir des lieux de parole ouverts, indépendants et accessibles. Des formats plus petits, plus locaux, plus informels peuvent parfaitement jouer ce rôle. Ateliers, meetups, revues de projets, discussions croisées… autant de façons de faire vivre l’intelligence collective, en dehors des grandes scènes.

 

Le recul des événements traditionnels ne signe pas la fin de la communauté UX. Mais il nous invite à réinventer les formes de rencontre. À retrouver une culture du partage ancrée dans la proximité, la sincérité et l’expérimentation.

Le design change, comme il l’a toujours fait

Face à tous ces bouleversements, une vérité simple s’impose. Le design n’est pas en train de disparaître. Il est en train de changer. Et cette transformation, loin d’être une rupture, s’inscrit dans une longue série de métamorphoses que le métier a toujours connues.

 

L’histoire du design est faite de cycles

 

À chaque révolution technologique, certaines pratiques se transforment et d’autres apparaissent. L’imprimerie a changé la place du typographe. Le web a bouleversé le rapport à la mise en page. L’arrivée du mobile a redéfini la conception des interfaces. L’intelligence artificielle, aujourd’hui, ne fait que poursuivre cette logique.

 

Ce que nous observons en 2025, ce n’est pas la fin du design. C’est un déplacement. Moins de travail d’exécution, plus de réflexion stratégique. Moins de production brute, plus de coordination entre les systèmes. Moins de métiers centrés sur l’écran, plus de rôles transversaux qui relient les équipes, les données et les récits.

 

De nouveaux rôles à inventer

 

Le rapport évoque plusieurs pistes. Des designers tournés vers l’analyse de sens. Des experts de l’organisation des savoirs. Des profils capables de créer des ponts entre la technique, le contenu, l’éthique et l’humain. La figure du “meta-designer”, capable de structurer les langages du design et de transmettre une vision claire, prend de l’ampleur.

 

Cela peut aussi signifier un retour à l’essentiel. Certains choisissent de se recentrer sur le plaisir de créer, de dessiner, de concevoir à petite échelle. D’autres s’orientent vers des projets plus lents, plus humains, moins soumis à la pression de la croissance. Dans tous les cas, le design retrouve une forme de liberté. Il s’ouvre à des trajectoires plus personnelles, plus engagées, plus diverses.

 

Le changement comme matière première

 

Nous voyons dans ce mouvement une opportunité. Celle de redéfinir ce que veut dire “être designer” aujourd’hui. Celle de sortir des cadres rigides, de réinventer nos pratiques, d’écouter nos intuitions. L’époque change. Nos outils aussi. Mais notre capacité à poser les bonnes questions, à rendre les choses claires, utiles, sensibles… cela reste.

Mot de la fin

Le rapport UX Trends 2025 ne tire pas la sonnette d’alarme. Il invite à regarder le réel en face. Le design change, parfois dans la douleur, souvent dans le flou. Mais il reste un espace vivant, en mouvement, plein de ressources et d’avenir.

 

Chez La grande Ourse, nous croyons que chaque transition est une occasion de se recentrer sur l’essentiel. Concevoir avec attention, créer avec sens, évoluer avec conscience.

 

Le design a toujours su s’adapter. Il le fera encore. À nous de choisir comment.

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